Foire des connaissances :  Pour co-créer des solutions contre les violences basées sur le genre

Dans la foire des connaissances, des espaces de cocréation ont été le cadre d’échanges et de partage entre les participants. Les participants ont été répartis dans différents espaces thématiques (booths) organisés par communautés de pratique pour échanger sur les points de friction d’une thématique choisie. 

 L’espace dédié à la santé sexuelle et reproductive et aux droits y relatifs (SDSR) a été un point de convergence avec une diversité d’acteurs engagés, activistes, praticiens et intervenants du secteur. La session a débuté par un tour de table des participants, suivi d’une évaluation des connaissances sur les droits en matière de santé sexuelle et reproductive. Dr Carole Bigirimana, facilitatrice de la session, a présenté une série de données statistiques pour planter le décor. 

Les chiffres représentent des statistiques alarmantes sur la situation des VBGs au Burundi: 97% de femmes et de filles burundaises sont victimes de VBGs contre 3% des hommes, le centre SERUKA reçoit en moyenne 1500 cas de viols par an et enfin 60 cas de féminicides ont été enregistrés au Burundi (2022-2023). 

Face à l’urgence, …  

 « 97% des femmes victimes des VBGs contre 3% des hommes ? » S’indigne Alain*, un homme d’une trentaine d’années, participant à l’échange. « C’est fort probable que les hommes victimes des VBGs sont au-delà de ces 3% mais qu’ils ne sont pas assez représentés. Peu d’entre eux osent porter plaintes  du fait des enjeux de notre culture qui déconsidèrent la vulnérabilité de l’homme. » Poursuit-il en mettant en lumière l’un des défis pour les hommes victimes de VBGs. 

Le drame de Dorine Ndayikunda illustre la brutalité des VBG : victime de violences conjuguales poussées jusqu’à l’hospitalisation. Pourtant, si son mari fut incarcéré, l’hostilité qui s’en suit de la part de sa belle-famille conduisit son beau-père à la battre à mort. Ce drame insoutenable suscite horreur et critiques vives parmi les participant·e·s.  

« La société burundaise est régie par des codes patriarcaux qui favorisent la recrudescence de ces violences. Souvent, nous avons affaire à une victime parfaite : une mère de famille qui boit de l’alcool ou rentre tard le soir et toute sanction envers elle de la part de son mari est justifiée dans l’entourage. Qui nous dit que dans une telle société, la justice sera en faveur de nous, les femmes, et du respect de nos droits ? » S’inquiète Cindy, l’une des participantes de cet atelier. 

… des solutions radicales s’imposent 

Pour lutter contre les VBG, Dr Carole rappelle l’existence d’une loi adoptée en septembre 2016 au Burundi, visant à prévenir les violences et protéger les victimes. Hélas, ses mécanismes et implications restent méconnus du grand public. 

En clôture de l’atelier, notre facilitatrice nous invite, selon nos domaines d’expertise, à formuler un engagement concret envers les victimes. Chacun inscrit sa promesse sur un post-it coloré, transformant le mur en une mosaïque vibrante d’espoirs pour l’avenir 

 Les participant·e·s ont suggéré plusieurs solutions : créer un réseau féminin anti-VBG, organiser des actions micro-féministes, et intensifier la sensibilisation communautaire. 

Foire des Connaissances : tisser demain, fil à fil

Et si l’avenir se construisait à plusieurs mains ? Le 11 juillet dernier, le centre Izuba vibrait au rythme de la Foire des Connaissances, organisée par Share-Net Burundi dans le cadre de l’initiative Umuhivu. Une journée de dialogues, de partage et de rencontres, où l’art, l’entrepreneuriat, le théâtre et la citoyenneté se sont mêlés pour faire émerger des idées nouvelles.

Pas de grandes promesses. Mais des visages, des récits, des projets. Entre les stands, les ateliers de co-création et une scène de théâtre, une même énergie circulait : celle de celles et ceux qui osent inventer de nouvelles manières de faire société avec une ambition commune : apprendre des autres pour mieux penser ensemble.

Une corde, un cercle, une société miniature

Au cœur de cette effervescence, plusieurs espaces d’échanges ont été animés. L’un d’eux, consacré à la bonne gouvernance et à l’État de droit, a particulièrement marqué les esprits.

Les participant·e·s y ont reçu des rôles fictifs : agronome, pêcheur, infirmier, chef de quartier, journaliste, enseignant, policière, artiste… Autant de voix qu’il en faut pour représenter une société. Une corde passait de main en main, tendue entre ces personnages devenus alliés, contradicteurs ou voisins. Le principe ? Discuter des tensions qui minent la gouvernance locale — sans lâcher la corde. Ni trop la tendre, ni la casser. La garder en équilibre. Comme nos sociétés.

Les tensions rejouées dans le cercle ressemblaient à celles qu’on croise dans la vraie vie. Il y avait ce manque de communication entre différents groupes de la société, ces petits abus de pouvoir qu’on tolère trop souvent, ces discriminations silencieuses qui finissent par user. Il y avait aussi les idées toutes faites qu’on se traîne les uns sur les autres, l’opacité de certaines décisions prises d’en haut, et ce manque d’élan collectif, ce réflexe citoyen qui tarde encore à s’installer.

Mais face à chaque tension, une possibilité : dialogue, médiation, plaidoyer, éducation, recours à la justice… et surtout, un engagement commun : bâtir ensemble, plutôt que subir à part.

Gouverner, ce n’est pas imposer : c’est coexister

Dans ce jeu de rôle presque théâtral, les participant·e·s ont découvert une chose essentielle : la bonne gouvernance commence par un geste simple mais puissant — se mettre à la place de l’autre. Écouter. Parler vrai. Tenir bon, mais tenir ensemble.

À la Foire des Connaissances, on n’était pas venu recevoir des leçons. On est venu expérimenter, créer, douter et recommencer. C’est ainsi qu’un simple fil de corde est devenu symbole : celui d’une gouvernance plus apaisée, plus partagée, plus juste.

Foire des connaissances : Crise alimentaire ou crise des savoirs, on en parle

Un après-midi de juillet, entre soleil et nuages, offre un climat doux et frais inhabituel pour la saison. Au Centre Culturel Izuba, le ciel semble sourire à l’initiative de Share-Net Burundi : une foire de connaissances réunissant des jeunes de diverses organisations, tous animés par une même ambition échanger idées et savoir-faire pour bâtir un Burundi meilleur. Dans l’un des booths, les discussions s’animent autour d’un défi vital : la sécurité alimentaire et nutritionnelle du pays. Quel meilleur prélude à un week-end ?

Le Burundi, bien que riche en ressources agricoles, demeure vulnérable sur le plan de la sécurité alimentaire. En plus, en 2023, il enregistre une malnutrition chronique chez les enfants âgés de 0 à 59 mois, à un taux de 55.9%. En partant de cette réalité, Théophile Ndayisenga, directeur exécutif d’ACSO Burundi (Action Santé Communautaire), une organisation qui promeut la santé communautaire à travers la protection de l’environnement par les bonnes pratiques en matière d’hygiène et assainissement, invite les participants à réfléchir : Le Burundi, traverse-t-il une crise alimentaire ou plutôt une crise de connaissances ?

La crise de connaissances : un danger invisible

Dans certains ménages burundais, les familles consomment les mêmes aliments chaque jour. Toutefois, il est bien connu qu’une alimentation équilibrée est essentielle pour la santé. Un participant souligne que certains chefs de famille restent dans la conviction que certains aliments comme les fruits ne doivent être consommés que par les enfants. Un autre d’ajouter que les agriculteurs sèment à l’aveugle, ne sachant pas s’ils cultivent sur un sol fertile ou pas. Finalement, tous s’accordent à dire que le manque de connaissances pèse lourdement sur la sécurité alimentaire au Burundi.

Pour un pays doté de sols fertiles, d’une alternance saisonnière, et de semences variées, il est contradictoire de constater un taux élevé de malnutrition. Trois lacunes principales émergent des discussions :

  1. Non disponibilité des données sur la fertilité des sols: des chiffres avec des descriptions précises sur les types de sols et leur fertilité permettraient aux décideurs d’identifier les terres à cultiver et celles à exploiter différemment. Quant au cultivateur, il ne sèmerait plus à l’aveugle. Il ne se demanderait plus pourquoi son voisin a moissonné et non pas lui, puisqu’ il saurait que celui-ci a peut-être semé sur un sol fertile ou corrigé par le chaulage du sol
  2. Non disponibilité des données sur les semences : en l’absence d’informations sur la qualité, la quantité, la variété et la distribution des semences, les agriculteurs ne savent pas quoi planter. Qui plus est, cela limite leur accès aux bonnes semences adaptées au type de sol et à leur région.
  3. Absence de cartographies des zones fertiles : sans une représentation précise des zones propices à la culture, il est difficile d’optimiser l’exploitation des terres.

De ces lacunes, découlent des impacts négatifs tant pour les agriculteurs que pour le pays, tels que la culture à l’aveugle et une sous ou sur utilisation des fertilisants, rendant l’agriculture mal planifiée.

L’union fait la force

Dans une ambiance conviviale, où les idées émergent naturellement, la discussion se poursuit. Une question se pose. Quels défis institutionnels rencontrons-nous ?

Une faible coordination entre les acteurs du secteur agricole est constatée. Le souci majeur est que chacun mène ses actions de son côté. Comme le dit déjà cet adage « L’union fait la force », les participants s’accordent à dire que les institutions devraient collaborer pour avoir un impact significatif.

Un participant évoque un autre obstacle: « il y a des compétiteurs jaloux qui, au lieu de partager ou puiser des connaissances chez leur voisin, préfèrent tout faire pour le détruire». Théophile Ndayisenga illustre ce problème : Chaque institution a son propre potentiel, mais le manque de soutien mutuel limite leur efficacité. En guise d’exemple, l’ACSO Burundi dispose d’un système de collecte et de séparation des urines et matières fécales humaines pour en faire des fertilisants. Les agriculteurs qui peinent à se procurer les engrais pourraient bénéficier de ce savoir-faire mais l’absence de collaboration empêche certains acteurs qui œuvrent dans le secteur agricole de connaitre cette pratique.

Les participants estiment que l’idéal serait que les ministères concernés, à savoir le ministère de la santé publique et de lutte contre le SIDA ainsi que le ministère de l’environnement, de l’agriculture et de l’élevage, rassemblent les différents acteurs du secteur de la sécurité alimentaire et de nutrition pour un travail collectif en vue d’une production accrue.

Transformer les défis en opportunités

Des idées novatrices, il n’en manque pas. Parmi les innovations en matière de production agricole à renforcer, l’on pourrait citer les suivantes :

  1. Pour pallier le manque d’eau d’irrigation, des agriculteurs font recours à la micro-irrigation. Parmi les techniques utilisées figurent la dérivation contrôlée des cours d’eau vers les parcelles via des canaux secondaires, ou la construction de citernes de collecte des eaux pluviales en zones montagneuses pour une irrigation différée.
  2. L’agroforesterie, qui associe cultures et essences arborées, améliore significativement la fertilité pédologique par la fixation biologique de l’azote et la réduction de l’érosion.
  3. Intégrer les connaissances et les compétences locales. A titre d’exemple, l’expertise des producteurs de compost de qualité peut avoir un impact considérable sur l’agriculture burundaise.
  4. En 2025, à l’ère du numérique, des plateformes digitales facilitentla centralisation et traçabilité des données agronomiques, l’interopérabilité des systèmes d’information et le partage collaboratif de connaissances entre acteurs.
  5. Des formations continues aux pratiques agricoles résilientes sont cruciales pour substituer aux méthodes traditionnelles obsolètes des techniques fondées sur des preuves scientifiques.

Grosso modo, pour améliorer la production agricole et la santé de la population burundaise, cinq propositions de solution ont émergé du groupe :

  1. Créer une base nationale de données agricoles recoupant fertilité des sols, semences adaptées, etc.
  2. Mettre en place des bulletins agricoles communautaires pour informer sur les cycles pluviométriques. Les bulletins contiendraient des informations qui éviteraient à un agriculteur d’ensemencer une culture nécessitant 4 mois pour atteindre sa pleine croissance alors que la saison des pluies ne durera que 2 mois.
  3. Désigner, sur chaque colline, des agents d’alerte climatique chargés d’annoncer l’arrivée imminente des saisons pluvieuses ou sèches, afin d’inciter les agriculteurs à semer au moment optimal.
  4. Élaborer une cartographie des pratiques culturales éprouvées, impliquant l’identification, l’analyse et la diffusion des méthodes ayant démontré leur efficacité pour optimiser les rendements.
  5. Structurer les échanges entre tous les maillons de la chaîne décisionnelle, des instances nationales aux acteurs de terrain.

 

 

 

 

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