Trop pauvres pour étudier, trop jeunes pour travailler

Parfois, la vie contraint les jeunes à faire des choix douloureux pour survivre. C’est le cas de ces enfants qui décident de quitter le foyer familial en quête d’un gagne-pain. Ce dernier ne s’obtenant pas les bras croisés, ils doivent travailler dans différents secteurs, en fonction des opportunités qui se présentent à eux. Il y a deux parties qui ont besoin l’une de l’autre : d’une part les employeurs ou demandeurs de services, d’autre part ces enfants qui vendent les services.  Et la loi, qu’en dit-elle ? Le permet-elle ?

À seulement 15 ans, Dorothée (pseudonyme) quitte sa famille pour son premier emploi rémunéré, en tant que domestique, à Bujumbura, la capitale. Pourtant, l’âge légal minimum pour travailler est fixé à 16 ans, sauf dérogations exceptionnelles pour les enfants non inscrits à l’école fondamentale, comme le stipule l’article 10 de la loi n°1/11 du 24 novembre 2020 portant Code du travail du Burundi. Mais l’âge n’est pas le seul critère : la nature du travail compte aussi. L’article 11 interdit tout emploi qui excède les capacités de l’enfant ou le prive de son instruction. Ces 2 articles sont complémentaires à un autre, l’article 278 qui vise à protéger les enfants contre l’exploitation et les travaux dangereux. En effet, lui il stipule que :

  1. L’enfant, à partir de 15ans peut faire des travaux légers et salubres ou être en apprentissage à condition que le travail ne nuise pas à sa santé ou à son développement, et que le travail n’empêche pas sa scolarité.
  2. Un enfant peut commencer un apprentissage dès 14ans dans une entreprise, si cela respecte les conditions fixées par l’autorité compétente, en accord avec les organisations d’employeurs et travailleurs intéressés.
  3. Une Ordonnance ministérielle définit le type de travaux autorisés pour les enfants et les conditions dans lesquelles ils peuvent être employés.

Dans l’article 281 de la même loi, l’on protège la santé physique des enfants au travail. En effet, il est expliqué que l’inspecteur du travail ou de la sécurité sociale a le droit de demander un examen médical pour un enfant salarié, afin de vérifier si le travail qu’il fait est adapté à ses capacités physiques. Cette demande peut être faite par l’intéressé lui-même, les parents, le représentant légal, le délégué syndical ou le représentant du personnel.

 

La loi du côté de l’enfant, quid de son application

Le Code de travail du Burundi a été révisé à travers la loi haut-citée, en révision du décret-loi n°1/037 du 7 Juillet 1993 . Cependant des lacunes persistent encore dans son application. En guise d’exemple, à propos de la protection de santé physique, avez-vous déjà vu les enfants portefaix qu’on voit souvent dans les marchés ? Les charges qu’ils transportent, sont-elles adaptées à leurs capacités physiques ? Qui s’enquiert de leur état de santé physique pour vérifier s’ils peuvent supporter les lourdes charges qu’ils portent ? Celle-là est la question que nous devrions tous nous poser.

Par ailleurs, la loi prévoit des sanctions pour tout contrevenant comme dans cet article 618  : « Sans préjudice des dispositions pertinentes du Code pénal en rapport avec les infractions contre l’enfant, est puni d’une amende de 500 000 à 1 000 000 francs burundais tout employeur qui fait effectuer à un enfant un travail disproportionné à ses capacités ».

 

Quand la survie impose des choix extrêmes

Le travail des enfants au Burundi est une réalité. Cela est écrit noir sur blanc dans l’ analyse sur l’incidence et les déterminants du travail  des enfants au Burundi, faite à partir des données de l’EICVMB (Enquête Intégrée sur les Conditions de Vie des Ménages au Burundi) 2019-2020. Celle-ci a révélé que 4.7% des enfants âgés de 5 à 14ans  avaient exercé une activité économique durant la période de référence. L’activité économique fait référence au travail clandestin, au travail non rétribué, et au travail dans le secteur informel.

Beaucoup de ces enfants quittent leurs familles à cause de conditions de vie précaires. Dorothée, par exemple, abandonne son foyer à cause de la faim et les redoublements scolaires successifs, pour tenter sa chance en ville. Le cas n’est pas isolé : une autre jeune fille de 12 ans, vivant dans la rue, fait la lessive pour des familles afin de nourrir sa mère malade et ses frères. Souvent, elle s’absente de l’école pour subvenir à leurs besoins.

Toutefois, comme dans toute relation de travail, des tensions peuvent surgir. Selon Aline KABARENZI ,premier substitut du procureur au parquet Ntahangwa , les plaintes les plus fréquentes concernent les salaires impayés. D’autres cas révèlent que certains enfants négocient leur emploi domestique contre la promesse d’être réinscrits à l’école, ce qui n’est pas toujours respecté par les employeurs.

Un enfant devrait grandir dans un foyer stable, recevoir une éducation et bénéficier de soins, plutôt que d’être exploité. La loi vise à protéger les mineurs, mais dans la pratique, beaucoup restent livrés à eux-mêmes, contraints de travailler pour survivre.

Foire des connaissances :  Pour co-créer des solutions contre les violences basées sur le genre

Dans la foire des connaissances, des espaces de cocréation ont été le cadre d’échanges et de partage entre les participants. Les participants ont été répartis dans différents espaces thématiques (booths) organisés par communautés de pratique pour échanger sur les points de friction d’une thématique choisie. 

 L’espace dédié à la santé sexuelle et reproductive et aux droits y relatifs (SDSR) a été un point de convergence avec une diversité d’acteurs engagés, activistes, praticiens et intervenants du secteur. La session a débuté par un tour de table des participants, suivi d’une évaluation des connaissances sur les droits en matière de santé sexuelle et reproductive. Dr Carole Bigirimana, facilitatrice de la session, a présenté une série de données statistiques pour planter le décor. 

Les chiffres représentent des statistiques alarmantes sur la situation des VBGs au Burundi: 97% de femmes et de filles burundaises sont victimes de VBGs contre 3% des hommes, le centre SERUKA reçoit en moyenne 1500 cas de viols par an et enfin 60 cas de féminicides ont été enregistrés au Burundi (2022-2023). 

Face à l’urgence, …  

 « 97% des femmes victimes des VBGs contre 3% des hommes ? » S’indigne Alain*, un homme d’une trentaine d’années, participant à l’échange. « C’est fort probable que les hommes victimes des VBGs sont au-delà de ces 3% mais qu’ils ne sont pas assez représentés. Peu d’entre eux osent porter plaintes  du fait des enjeux de notre culture qui déconsidèrent la vulnérabilité de l’homme. » Poursuit-il en mettant en lumière l’un des défis pour les hommes victimes de VBGs. 

Le drame de Dorine Ndayikunda illustre la brutalité des VBG : victime de violences conjuguales poussées jusqu’à l’hospitalisation. Pourtant, si son mari fut incarcéré, l’hostilité qui s’en suit de la part de sa belle-famille conduisit son beau-père à la battre à mort. Ce drame insoutenable suscite horreur et critiques vives parmi les participant·e·s.  

« La société burundaise est régie par des codes patriarcaux qui favorisent la recrudescence de ces violences. Souvent, nous avons affaire à une victime parfaite : une mère de famille qui boit de l’alcool ou rentre tard le soir et toute sanction envers elle de la part de son mari est justifiée dans l’entourage. Qui nous dit que dans une telle société, la justice sera en faveur de nous, les femmes, et du respect de nos droits ? » S’inquiète Cindy, l’une des participantes de cet atelier. 

… des solutions radicales s’imposent 

Pour lutter contre les VBG, Dr Carole rappelle l’existence d’une loi adoptée en septembre 2016 au Burundi, visant à prévenir les violences et protéger les victimes. Hélas, ses mécanismes et implications restent méconnus du grand public. 

En clôture de l’atelier, notre facilitatrice nous invite, selon nos domaines d’expertise, à formuler un engagement concret envers les victimes. Chacun inscrit sa promesse sur un post-it coloré, transformant le mur en une mosaïque vibrante d’espoirs pour l’avenir 

 Les participant·e·s ont suggéré plusieurs solutions : créer un réseau féminin anti-VBG, organiser des actions micro-féministes, et intensifier la sensibilisation communautaire. 

Foire des connaissances : l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes, tremplin pour réinventer l’avenir

Art, entrepreneuriat, théâtre, débats… La Foire des connaissances, organisée le 11 juillet par Share-Net Burundi au Centre Izuba pour soutenir l’initiative « UMUHIVU », a été un véritable carrefour d’échanges et d’inspiration. Jeunes talents et femmes leaders y ont exposé leurs idées, partagé leurs expériences et identifié des solutions concrètes aux défis qui freinent leur épanouissement.

Des stands d’expositions de produits développés par des jeunes et des femmes dans divers secteurs, ateliers de co-création, séances de pitch, représentation théâtrale de la pièce « INAMUJANDI » célébrant une légende guerrière burundaise, sans oublier les discours inspirants, la Foire des connaissances a rassemblé une diversité d’acteurs engagés autour d’un objectif commun : apprendre les uns des autres et construire ensemble des pistes d’avenir.

Un espace de co-création stimulant

Parmi les moments forts, une session d’échanges interactifs a permis de débattre autour de plusieurs thématiques clés : jeunesse et art, entrepreneuriat, bonne gouvernance et droits humains, santé sexuelle et reproductive et les droits y relatifs (SDSR), entrepreneuriat, ainsi que sécurité alimentaire et nutritionnelle.

L’objectif principal était d’identifier les obstacles que rencontrent les jeunes et les femmes dans l’accès à l’éducation, au financement et aux opportunités sur le marché, et de réfléchir ensemble à des solutions concrètes.

Des freins multiples à surmonter

Dans la session dédiée à l’entrepreneuriat, animée par Kathia Gretta Iradukunda, co-créatrice de –« Ubuhinga Bwacu – ArtPreneur au Féminin », six jeunes ont échangé sur les obstacles rencontrés au quotidien : manque d’ambition ou de rêve chez les jeunes alimenté par un système éducatif parfois démotivant, jeunes compétents non valorisés, normes sociales défavorables aux femmes, harcèlement sexuel dans certains milieux éducatifs ou professionnels, absence de modèles inspirants, peu d’espaces de réseautage, une méconnaissance des opportunités existantes surtout chez les jeunes vivant en milieux ruraux.

Des lois discriminatoires limitant la représentation féminine (ex. : quotas de 30%) dans les instances décisionnelles, des conditions restrictives d’accès au crédit et aux devises étrangères, une forte informalité de l’emploi chez les jeunes, causée par le chômage et les conflits intergénérationnels (corruption, clientélisme…). Un constat clair : les défis sont nombreux.

Des jeunes qui refusent de baisser les bras

Face à ces réalités, des solutions ont été proposées. Les jeunes appellent à renforcer leur accès à l’information et aux opportunités, à adopter une culture d’apprentissage continu et promouvoir les échanges entre pairs, à exploiter les outils numériques, et à persévérer malgré les obstacles. Cultiver une bonne réputation et une crédibilité professionnelle afin de faciliter l’accès aux financements.

Ils demandent également au gouvernement de revoir les politiques d’accès aux crédits, de créer un environnement fiscal plus favorable aux jeunes entrepreneurs, de réformer le système bancaire, et de garantir une place plus active aux jeunes et aux femmes dans les instances de décision.

Mettre en place des mesures fiscales incitatives, notamment l’exonération pour les jeunes entreprises et réformer la réglementation bancaire sur les devises étrangères et plaider pour un marché libre et un meilleur accès à la mobilité régionale.

Une jeunesse prête à prendre le relais

La Foire des connaissances a prouvé une chose : la jeunesse burundaise regorge de talents, de créativité et de volonté. Il ne reste plus qu’à lui tendre la main, lui faire confiance, et lui ouvrir la porte. Car comme l’a rappelé un participant : « Investir dans les jeunes, c’est miser sur un avenir solide, équitable et innovant. »