Entrepreneurs burundais et marché régional : entre ambitions et obstacles.

Alors que les pays de la région multiplient les initiatives pour renforcer l’intégration économique, de nombreux entrepreneurs burundais continuent de se concentrer principalement sur le marché local. Le manque d’information, l’accès limité au financement et la méconnaissance des cadres juridiques régionaux constituent encore des freins majeurs. Une rencontre organisée le 3 décembre 2025 dans le cadre du projet UMUHIVU de Share-Net Burundi a permis de dresser un état des lieux et d’esquisser des pistes de solutions.
Un potentiel régional sous-exploité
Le Burundi fait partie de trois communautés économiques reconnues par l’Union Africaine : la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), le COMESA et la CEEAC. Pourtant, selon l’avocate Dr Ange Dorine Irakoze, qui intervenait lors de cette rencontre, les entrepreneurs burundais ne profitent pas pleinement des opportunités offertes par ces organisations.
Elle rappelle néanmoins que le contexte local reste plus accessible que celui de la plupart des pays voisins : « Au Burundi, le capital minimal pour créer une entreprise est de 500 000 FBu à Bujumbura et 250 000 FBu à l’intérieur du pays. Ailleurs dans la région, il peut atteindre 500 dollars ou davantage », explique-t-elle.
Des opportunités réelles mais encore méconnues
L’EAC représente un marché de près de 300 millions de consommateurs. Pour les entrepreneurs, les avantages sont nombreux : réduction des barrières tarifaires, mobilité facilitée grâce au passeport EAC, accès aux fonds régionaux, participation aux appels d’offres transfrontaliers ou encore possibilité de bénéficier de normes harmonisées.
Mais la réalité est plus complexe. Les démarches administratives pour s’implanter dans un autre pays de la région restent longues et parfois incohérentes. Les points de contrôle routiers se multiplient, les coûts énergétiques demeurent élevés, et l’accès au financement reste particulièrement difficile pour les petites et moyennes entreprises.
« L’intégration régionale ne se limite pas à ouvrir les frontières. Elle exige une maîtrise technique et administrative que beaucoup d’entrepreneurs n’ont pas encore », souligne l’avocate Irakoze.
Des témoignages qui révèlent un manque d’accompagnement
Anny Joanice Nizigiyimana, entrepreneure burundaise, a raconté son expérience après une tournée dans plusieurs pays de l’EAC. Ses produits ont trouvé preneurs partout où elle est passée, mais l’absence de réseau local a compliqué tout projet d’implantation.
« Je vendais très bien, mais je n’avais personne avec qui collaborer. J’ai compris qu’il me fallait un carnet d’adresses solide et une présence sur place pour investir efficacement », confie-t-elle.
Des solutions : formation, digitalisation et partenariats
Pour dépasser ces obstacles, plusieurs pistes ont été proposées :
- Renforcer les capacités techniques des entrepreneurs et rejoindre les associations professionnelles régionales ;
- Utiliser les postes frontières à arrêt unique (OSBP) pour réduire les délais ;
- Créer des joint-ventures avec des partenaires locaux ;
- Solliciter les institutions financières régionales, comme la Banque de Développement de l’EAC ;
- Obtenir les certifications de qualité harmonisées ;
- Établir un plan d’action de 90 jours avec deux ou trois marchés prioritaires.
Le marketing digital comme tremplin régional
La deuxième partie de la rencontre était consacrée à la stratégie numérique, animée par Aimé Florian Ngabonziza, spécialiste en marketing digital. Il a insisté sur l’importance de tester les marchés régionaux à travers le numérique.
« Les données ne mentent pas. Tester un marché permet de comprendre ce que les consommateurs apprécient, et d’adapter ses produits à moindre coût », explique-t-il.
Il recommande aux entrepreneurs de créer une présence en ligne notamment un site web, TikTok, WhatsApp Business, de cibler trois pays étranger pour commencer, de produire des contenus multilingues, puis d’analyser les retours après 48 heures pour affiner leur stratégie.

