Quand le climat devient un ennemi de la sécurité alimentaire au Burundi

Au Burundi, où plus de 80 % de la population vit de l’agriculture pluviale, le changement climatique n’est plus une menace lointaine, mais une réalité qui bouleverse les récoltes et les assiettes. Sécheresses, inondations et glissements de terrain fragilisent la production agricole et aggravent la malnutrition. Lors d’une table ronde organisée par l’Organisation Action Santé Communautaire (ASCO) et Share-Net Burundi, experts et acteurs du secteur ont tiré la sonnette d’alarme et proposé des pistes de résilience.

Le Burundi figure parmi les pays les plus menacés par les effets du changement climatique. Dans ce petit pays d’Afrique de l’Est, plus de huit Burundais sur dix dépendent directement de la terre pour se nourrir. Environ 65 à 70% des ménages ruraux vivent en insécurité alimentaire, dont une part importante en insécurité alimentaire sévère.

Cette agriculture repose presque entièrement sur les pluies saisonnières, de plus en plus irrégulières et imprévisibles. Les conséquences sont visibles : des pluies torrentielles qui provoquent des inondations et des glissements de terrain, des périodes de sécheresse prolongées, la dégradation des sols et la perte de biodiversité. Autant de phénomènes qui compromettent la sécurité alimentaire et nutritionnelle d’une population déjà fragilisée. Plus de 50% des enfants de moins de 5 enfants souffrent de retard de croissance, un signe alarmant de persistance de la malnutrition chronique au Burundi.

La sécurité alimentaire menacée sur tous les fronts

Lors de la table ronde organisée le 30 octobre dernier à Bujumbura, sous le thème « Changement climatique, sécurité alimentaire et nutrition au Burundi : quelles stratégies collaboratives entre intervenants pouvant garantir une alimentation saine et durable pour tous ? », les participants ont mis en lumière l’ampleur du défi.

Ir Tharcisse Ndayizeye, expert en climatologie et panéliste de la rencontre, a rappelé que « le changement climatique touche les quatre piliers de la sécurité alimentaire : la disponibilité, l’accessibilité, l’utilisation et la stabilité ».
Selon lui, la disponibilité alimentaire est la première victime : « Les assurances agricoles protègent les stocks et les machines, mais pas la terre elle-même. Or, sans terre fertile, il n’y a plus rien à assurer », a-t-il déploré.

Olavie Nzeyimana, ingénieure agronome, experte en sécurité alimentaire et nutritionnelle, a pour sa part souligné l’ampleur de la crise : « Nous sommes en insécurité alimentaire, car il y a encore beaucoup d’enfants malnutris. La population continue d’augmenter alors que nos stocks alimentaires ne suivent pas. »

Une agriculture vulnérable et peu résiliente

Le Burundi dépend fortement de l’agriculture pluviale, ce qui rend le pays extrêmement vulnérable aux aléas climatiques. Les sécheresses successives, les inondations et la dégradation des sols réduisent considérablement la productivité agricole.

« Chaque saison agricole devient un pari contre la nature », explique Olavie Nzeyimana. Elle plaide pour une approche intégrée : « Il est urgent de relier la résilience climatique et la sécurité alimentaire dans une stratégie commune, afin d’assurer un avenir durable pour nos communautés rurales. »

 Pour faire face à cette réalité, les experts présents ont appelé à renforcer la résilience climatique du pays. Le climatologue Ndayizeye a insisté sur la nécessité d’anticiper et de s’adapter : « Nous devons être résilients pour que le changement climatique ne nous paralyse pas. Cela passe par la prévention, la gestion des risques et l’éducation communautaire. »

Parmi les solutions évoquées figurent la prévention et la sensibilisation au sein des communautés rurales, la plantation d’arbres autour des champs et la traçabilité des courbes de niveau pour limiter l’érosion, la culture de plantes résilientes au changement climatique, la diversification alimentaire et la promotion du consommer local, la mise en place de caisses de résilience pour les agriculteurs, la restauration des bassins versants et la conservation de l’eau, le soutien accru aux femmes rurales qui représentent plus de 60 % de la main-d’œuvre agricole, etc…

Un des participants, Dr Raoul Iradukunda, a soulevé la question cruciale du manque de données fiables sur le changement climatique. Une remarque que Ndayizeye Tharcisse a jugée pertinente : « Sans données, il est impossible de planifier ou se projeter. Nous devons investir dans la collecte et l’analyse des informations climatiques pour orienter nos politiques agricoles. »

Les discussions ont mis en évidence un consensus : sans actions concrètes et coordonnées, le changement climatique risque d’aggraver durablement l’insécurité alimentaire au Burundi. « Investir dans la résilience climatique, c’est non seulement protéger les récoltes, mais aussi garantir la santé et la survie des générations futures », Comme l’a résumé Nzeyimana.

 

 

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