AU MENTAL DES PLUS PETITS

Au Burundi, la santé mentale des enfants et adolescents  est un sujet peu abordé mais pourtant crucial. Aujourd’hui, avec la mondialisation rapide et la crise économique actuelle, ces jeunes traversent des combats qui sont souvent inconnus ou incompris des parents : les réseaux sociaux, le cyberharcèlement, l’absence de leurs parents, les divorces, etc. A travers ces lignes, comprenons les signaux du mal-être psychologique de l’enfant et leurs origines.

Selon l’OMS, à l’échelle mondiale, un sur sept jeunes âgés de 10 à 19 ans souffre d’un trouble mental, ce qui représente 15 % de la charge mondiale de morbidité dans cette tranche d’âge. En Afrique , comme la BMC (BioMed Central) le précise, la prévalence globale de la détresse psychologique chez les adolescents, est estimée à 27,34%.

De plus en plus de jeunes sombrent dans les substances psychoactives, une situation des plus déplorables. Certains ont même tendance à les juger. Cependant, derrière ces écarts de comportements, se cachent des enfants souvent en détresse. En effet, le pédopsychologue du Cabinet Turere, Justin Mugisha, révèle que bien des adolescents se réfugient dans ces substances à cause d’ un manque affectif pouvant s’être installé durant leur enfance. D’ailleurs, l’OMS rappelle que les comportements à risque, comme la consommation de ces substances ou des comportements sexuels à risque, sont une stratégie inefficace pour faire face à des difficultés émotionnelles.

On dit souvent que, le passé nous rattrape toujours. De la même manière, les traumatismes vécus dans le passé peuvent resurgir, et avoir des conséquences plus tard sur la santé mentale. De surcroît, l’ étude «  The Relationship between trauma and attachement in Burundi’s school -aged children », publiée dans Brain Sciences en 2023, a montré qu’il existe un lien concret entre le traumatisme et les représentations d’attachement, dans un contexte scolaire burundais.

Reconnaître les signaux d’alerte

Repérer un enfant qui n’est pas au top de sa forme, psychologiquement parlant, n’est pas toujours facile. En tant que parent, ou éducateur, on est appelé à être vigilant, surtout sur le comportement, l’humeur, et les pensées de l’enfant. « Ces 3 éléments forment un triangle vicieux » souligne Mugisha ; chacun d’eux ayant une influence sur l’autre. Lorsqu’un changement inhabituel se manifeste, il y a lieu de se poser des questions.

Les signes du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), peuvent également révéler un mal- être psychologique de l’enfant. Voyez-vous ces enfants incapables de maintenir leur attention, de terminer une tâche, ou qui oublient fréquemment ? Ou bien encore, ces enfants qui ne peuvent pas rester en place, toujours agités ? Et ceux qui ont du mal à attendre, en ayant tendance à interrompre les activités des autres ? C’est de ces cas auxquels on fait allusion lorsqu’on parle de TDAH. Selon le psychologue clinicien thérapeute Christophe Armel Arakazandoruwanka , cela peut avoir des répercussions sur le rendement scolaire, se traduisant par une régression des notes de l’enfant. D’ailleurs, la baisse des performances scolaires elle-même peut se révéler un hic, traduisant un problème psychologique sous-jacent.

Vers l’adolescence, c’est surtout les comportements à risque qui apparaissent, comme le montre cette étude d’Elvis Manariyo et Bernard Dusabe, publiée en Avril 2025 . En effet, l’on constate qu’il y a une tendance alarmante à la hausse de la consommation des diverses substances psychoactives chez les adolescents. Ce n’est pas tout ! Il y a une autre étude qui a été menée dans 6 pays de l’Afrique subsaharienne . Celle-ci a établi un lien étroit entre comportements sexuels à risque, détresse psychologique et usage d’alcool chez les adolescents de ces mêmes pays.

Tout cela étant, les 2 experts mentionnent l’importance de toujours écarter les problèmes organiques ( traumatismes physiques, infections, etc). Ces derniers peuvent être survenus avant, pendant ou après la naissance de l’enfant.

Comprendre les origines, c’est comme reculer pour mieux sauter

Pourquoi ces troubles ? Le psychologue clinicien thérapeute évoque d’abord le style de vie familial, en général. En effet, les relations entretenues par le père et la mère ont une influence considérable sur la vie de leurs enfants. Egalement, leur présence ou leur absence auprès de leur progéniture contribue à remplir ou vider le réservoir affectif  qu’elle portera et dont elle dépendra plus tard pour s’autosuffire en affection. « Plus les parents disent à leurs enfants qu’ils les aiment, plus ils partagent des activités ensemble, plus encore ils remplissent leur réservoir d’amour, leur construisant une estime de soi solide. Cela évite que plus tard l’enfant cherche de l’attention ailleurs, dans la drogue ou dans des relations malsaines par exemple », souligne le même psychologue.

Ensuite, il y a le style d’éducation parental qui a tout aussi son importance. Parmi les 4 styles parentaux d’éducation qui existent, 3 conduisent sans aucun doute à des effets négatifs sur le développement psychologique de l’enfant : le désengagé, l’autoritaire et le permissif. Hélas chers parents et futurs parents ! Le style démocratique par contre est le plus adapté : les règles sont claires et expliquées à l’enfant, les parents valorisent l’opinion de l’enfant et favorisent le dialogue, l’autonomie est encouragée tout en posant des limites. Généralement, ce style favorise l’estime de soi, la responsabilité et l’adaptabilité chez l’enfant.

« Aujourd’hui, éduquer ses enfants s’apprend. Les parents sont appelés à comprendre que les temps ont changé. Ils ne doivent pas reproduire l’éducation qu’ils ont eux-même reçue de leurs parents » ajoute le pédopsychologue.

 

La balle est dans notre camp

Une triste réalité est que la santé mentale et les soins psychosociaux  sont fortement négligés dans le système de santé burundais en dépit d’une forte prévalence des détresses psychologiques . L’article « Calling for the inclusion  of psychosocial professionals in the health system in Burundi » le stipule bien : 64,5 % de la population burundaise a déclaré un mal‑être psychologique lors de l’enquête de base nationale et 47,5 % des personnes interrogées ont vécu au moins une épisode de trouble grave.  En 2020, on comptait seulement 0,12 psychologue, 0,03 psychiatre et 0,77 travailleur social pour 100 000 habitants dans le système sanitaire burundais. Aussi, il faut savoir que le nombre de psychologues cliniciens est passé de 52 à 15 entre 2016 et 2021.

Entre le manque criant de prestataires, et l’absence d’intégration des interventions psychologiques dans les services, le Burundi a encore du pain sur la planche. Christophe Armel Arakazandoruwanka propose 2 pistes principales :

  1. Légaliser et légiférer la santé mentale : mettre en place des lois intégrant les interventions psychologiques dans tous les domaines de la vie : écoles, hôpitaux, etc. avec des psychologues chargés d’un premier diagnostic avant orientation vers des spécialistes.
  2. Mener une étude nationale sur l’état de la santé mentale au Burundi, afin d’identifier les besoins prioritaires par région et d’adapter les interventions.

Aux parents, Justin Mugisha insiste sur la construction d’une bonne relation parent-enfant, qui se fait progressivement, comme on bâtit un édifice pierre après pierre. « La bonne relation d’un parent avec son enfant ne se construit pas en un claquement de doigts. Elle se bâtit jour après jour », affirme Mugisha.

Il propose quelques conseils pratiques :

  1. Développer une attitude de compréhension : s’abstenir de juger, chercher d’abord à comprendre.
  2. Travailler sur l’écoute : écouter même quand on n’est pas d’accord, écouter pour comprendre et non pour répondre. Ainsi, l’enfant ne se refermera pas sur lui-même, il ne craindra pas d’exprimer ce qu’il ressent.
  3. Multiplier les moments partagés : la présence parentale compte, mais la qualité de cette présence compte encore plus. Il faut libérer du temps pour les enfants, au même titre que pour le travail ou les activités sociales.
  4. Faire preuve de simplicité et d’humilité : durant les moments détendus, se mettre au niveau de l’enfant. Jouer, rire ne diminuent en rien l’autorité parentale, au contraire, cela renforce la confiance.

 

 

 

3 Comments

  1. Nous ne nous lasserons jamais de dire qu’éduquer est un projet dont les parents et les communautés doivent maîtriser les contours. On n’éduque pas comme on veut, on suit des principes avec des connaissances et des objectifs. L’association Tekana est souvent invitée dans des réunions des parents pour parler des bases de l’éducation et à chaque fois les parents sont exaspérés par les gestes posés habituellement et considérés comme saints. Si nous attendons des financements pour agir ou des lectures d’articles psychologiques, il sera trop tard pour sauver nos générations. Agissons en tant que psychologues, allons dans les écoles pour des diagnostiques précoces préscolaires et scolaires. L’association Tekana enseigne sur l’étape d’adolescence d’une manière crue dans les écoles secondaires et force est de constater l’émerveillement de ces enfants lorsqu’ils comprennent que ce qu’il traverse est physiologiquement et mentalement normal et ils apprennent comment traverser l’étape en douceur. Nous leurs apprenons les types de parents et styles d’éducation et styles d’attachement et ils peuvent se situer eux-mêmes, se comprendre et prendre des initiatives de changements. Nous le faisons gratuitement, certaines administration scolaires ne nous donnent pas la permission et nous demandent des per-diem, ce qui réduit notre productivité. De toute manière, une société n’est solide que par l’éducation et l’équilibre psychologique, et financier de ces citoyens. Il y a beaucoup à dire des découvertes psychopathologique lorsque nous utilisons la fiche biopsychosociale de l’élève qui met en relation, élève, enseignant, parent. Merci de permettre cette expression qui certainement ira loin jusqu’aux concernés pour plus de permission dans les écoles. C’est l’association pour le bien être mental et psychosocial “ABEMPS-TEKNA”

  2. Nous avons commenté précédemment sur les psychopathologies possibles des troubles d’attachement, des styles et types d’éducation parentales avancés par nos confrères, mais, force est de savoir que dans les étapes de développement, les enfants peuvent développer des fixations qui peuvent perdurer jusqu’à l’âge adulte. Le stade buccal comme le stipule Sigmound Freud, du nourrisson de 0 à 2 ans, concerne la tétée. L’enfant tète automatiquement dès le ventre de sa mère mais si la façon maternelle de le faire constitue une frustration, en manquer au moment opportun, l’offrir sans attention et affection, partager la tétée avec d’autres activités, ne pas regarder le nourrisson entrain de téter, l’enfant abadonne souvent le sein et la mère se questionne sur le pourquoi. L’enfant peut développer des fixations futures comme grignoter ses ongles, sucer le bon ou le jojo tout le temps, manger le bouchon à l’âge pré-scolaire ou scolaire, fumer la cigarette à l’âge adulte, bref combler la bouche du plaisir inachevé à l’enfance. Le second stade, toujours selon Sigmound Freud est le stade anal, de 1-2 ans, qui est le stade de l’apprentissage de la propreté quant à l’élimination des selles et de l’urine. Les parents doivent le faire avec tact pour ne pas occasionner des fixations futures à ce stade. S’impliquer en créant des horaires biologiques à l’enfant de faire le petit ou le grand besoin en lui indiquant les outils en douceur. Beaucoup d’enfants sont brutalisés à ce stade par les parents ou les bonnes pour les forcer à ne plus le faire sur eux ou au lit. L’enfant peut utiliser la rétention ou l’élimination des selles psychologiquement pour tester sa mère. Je te donne mes selles ou je les retiens. L’âge adulte pourra être un être qui donne ou partage facilement, un être avare qui garde tout, l’argent et autre et ne partage avec personne, selon la frustration que son psychique a gardé de ce stade. Vient ensuite le stade du complexe d’Œdipe, de 3 -6 ans, où le petit garçon fantasme sur sa mère avec une grande jalousie envers son père, la petite fille fantasme sur son père avec une grande jalousie envers sa mère. L’implication des parents sur la façon de réduire ce fantasme en lui indiquant que Maman est la propriété de Papa et Vice versa doit être bien pensée pour ne pas générer d’autres fixations à l’âge adulte. L’absence parentale à ce stade est très catastrophique parce que l’enfant ne trouve pas l’autre partie qui lui est différent sexuellement dans ses découvertes de parties génitales. Vous verrez le petit garçon sous la porte quand sa mère prend sa douche, la petite fille toucher tendrement la barbe de son père, les enfants jouer à la maman et au papa, etc….Le garçon urine en lançant comme un javelot le plus haut et le plus loin, dans la grande fierté de son sex. La fille se sent castrée comme sa mère et c’est pour cela qu’elle se rabat au père. Le garçon a peur d’une castration possible. C’est pour cela qu’il ne faudrait jamais lui dire je vais te couper ton zizi. La peur il en a déjà que cela pourrait être une punition possible. Lorsque ce stade n’est pas bien liquidé comme on dit, beaucoup de déviations sexuelles peuvent être observées à l’adolescence ou à l’âge adulte. Vient ensuite le stade du calme émotionnel, de moins de tourbillon, l’âge du primaire, 6-12 ans, l’âge d’apprentissage où le cerveau tout peut apprendre. C’est à ce stade qu’il faut initier tous les apprentissages scolaires, culinaires, ménagers, pratiques de la vie future de l’enfant. Si les donneurs de soins ratent cette occasion de tout apprendre à l’enfant à ce stade, c’est rater pour toute une vie. Vient ensuite le stade d’adolescence, de 13-18 ans selon les cultures, de transformation physique, physiologique et psychique comme un tourbillon. L’enfant, garçon ou fille se voit transformé, les hormones en effervescence donnent lieu aux seins, aux poils pubiens, à la rondeur du bassin, à la taille qui grandit d’un bond, et aux menstruations. Le garçon voit ses parties génitales développées avec une éjaculation matinale, des poils pubiens et de la barbe, un visage d’homme et une taille qui s’élance. Toutes ses transformations sont accompagnées de multiples pensées nouvelles sur tous les sujets de la vie, des interrogations, des émotions nouvelles et des envies sexuelles qui nécessitent un recadrage de l’adulte responsable qui suit de près l’évolution de l’enfant, sa transition à l’âge adulte avec ce que tout cela implique. Si l’enfant n’est pas accompagné dans ces nouvelles transformations et nouvelles réalités de la vision du monde, il peut se perdre dans la délinquance, la prise des stupéfiants, la rencontre de la grande liberté de la rue, la délivrance de l’autorité parentale. C’est à ce moment crucial que le style d’éducation parental, de l’enfance à l’adolescence est interrogé, l’enfant stable et équilibré traverse en douceur ce stade, la fille en interrogeant sa mère sur ses inquiétudes lorsque la relation a été fusionnelle et le garçon en interrogeant son père lorsque la relation a été une vraie présence et confiance mutuelle. C’est le stade d’identification réelle au parent qui lui ressemble, maman pour la fille, papa pour le garçon. Lorsqu’il y a carence de l’un des parents, un substitut peut bien jouer ce rôle très important pour la construction d’adulte de l’enfant. Certains parents n’arrivent pas à tolérer leur autorité qui s’amenuise et l’indépendance que l’enfant acquiert à ce stade et deviennent brutaux. L’incompréhension et la révolte de l’enfant occasionnent des fugues, des confrontations verbales et parfois physiques des parents trop autoritaires, alors que c’est une évolution normale à accompagner. C’est cette formation que l’association “ABEMPS-TEKANA” donne aux parents d’élèves afin d’accompagner en douceur les stades de développement de l’enfant pour qu’ils soient bien liquidés et générer moins de fixations à l’âge adulte. Le stade adulte est souvent le produit de tous ces stades antérieurs, mais comme l’homme est un éternel apprenant avec une plasticité mentale, il peut toujours se restructurer, corriger et remodeler son être et corriger le style d’éducation qu’il octroie aux siens. Le stade de la viellesse après l’adulte sera apaisé et calme si l’adulte a été responsable, socialement accepté et aimé, fière d’avoir produit des enfants responsable s et respectables. La vieillesse sera dure lorsqu’elle sera faite des ruminations du passé, du gâchis des années gaspillées, du bonheur manqué alors que cela peut provenir des failles de l’éducation que les parents, les familles et les communautés auraient pu combler s’ils savaient. C’est pour cela que “ABEMPS-TEKANA” s’attèle à cette tâche afin d’voir une société plus stable affectueusement et émotionnellement, le socle de l’équilibre mental, social et économique même. Merci de bien vouloir nous lire. Nous allons nous y mettre pour poster régulièrement sur notre page Facebook “Clinic-TEKNA”.

  3. Notre page Facebook est “Clinic-Tekana” pour le bien être mental

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