Chaque année depuis 2016, plus de 1000 grossesses sont enregistrées en milieu scolaire. Pourtant, l’accès aux services de la SDSR adaptés aux jeunes reste limité et l’éducation sexuelle complète rencontre une grande résistance à pénétrer dans le système éducatif burundais. Le 9 novembre 2023, Share-Net Burundi a organisé un Space pour tenter de proposer des solutions réalistes.
Le « Space » intitulé : Les grossesses précoces en milieu scolaire, quelles solutions réalistes ? avait pour objectif de rappeler les données alarmantes concernant les grossesses précoces, plaider pour l’urgence de la vulgarisation de l’Education Sexuelle Complete en milieu scolaire, et l’accès à des services adaptés chez les adolescents et les jeunes. Il était également question de parler sans détour des conséquences médicales et sociales des grossesses précoces chez les jeunes adolescentes et de la difficile réintégration des jeunes mères adolescentes à l’école
Pour mieux aborder cette thématique, Share-Net Burundi a invité trois orateurs dont Augustin Harushimana, maïeuticien, Alida Irambona, chargée de projet Right Here, Right Now 2 au sein de RNJ+ et Christophe Nindorera, animateur des clubs scolaires SDSR chez Nanje Nobaho.
Après un bref aperçu du contexte au Burundi où 1019 élèves ont été victimes de grossesses en milieu scolaire durant l’année scolaire 2021/ 2022 et où l’effectif de ceux qui réintègrent le système éducatif reste faible, la modératrice est revenue sur les données de l’enquête démographique et de la santé de 2017 où 8 % des adolescentes avaient déjà commencé leur vie féconde dont 6% avaient au moins 1 enfant et 2% étaient enceintes d’un premier enfant. Le risque de mourir ou de souffrir des complications des suites d’une grossesse précoce étant plus élevé chez les adolescentes.
Il a ensuite été question de savoir les risques liés à une grossesse précoce et ses conséquences sur le plan médical ainsi que social.
D’entrée de jeu :
- Augustin Harushimana a rappelé que les grossesses précoces désignent les grossesses chez une mineure (moins de 18 ans) et que ces dernières viennent avec leur lot de risques. Harushimana rappelle que ni l’utérus ni le bassin d’une adolescente ne sont matures pour supporter une grossesse. Pour conséquence, des cas d’anémies peuvent apparaître durant la grossesse ou des risques d’hémorragie à l’accouchement ou les avortements clandestins. Selon l’« Annuaire Statistique » du ministère de la Santé, 950 avortements de jeunes filles âgées de 15 à 19 ans ont survenu en milieu de soins au cours de l’an 2021.
Pour lui, aux données récoltées par le ministère de l’Education s’ajoutent ceux de l’annuaire statistique santé 2019, 2020, 2021, qui confirment bel et bien que les grossesses précoces sont une triste réalité au Burundi.
- Alida Irambona a enchaîné avec le règlement scolaire, qui stipule qu’une élève qui tombe enceinte est immédiatement renvoyée jusqu’à l’accouchement et que selon l’article 70 dudit règlement, elle doit rester avec son enfant 12 mois ou au plus 2 ans avant de reprendre l’école. Au moment où l’article 71 autorise le garçon qui a engrossé la fille de réintégrer l’école la rentrée scolaire suivante. Ce n’est pas tout, la jeune fille devra obligatoirement changer d’établissement avec présentation d’extrait d’acte de naissance de l’enfant. Pour elle, cette situation risque d’enlever tout envie à la jeune maman de reprendre le chemin de l’école. « Il n’est pas évident de reprendre l’école après avoir passé presque 2 ans voire plus à la maison, sans oublier le stigma que rencontrent les victimes. »
- Pour Christophe Nindorera, les manuels utilisés pour parler de la santé sexuelle et reproductive chez les jeunes sont de loin efficaces vu la réalité sur terrain. Il a rappelé à l’audience que l’abstinence reste le maître mot en milieu scolaire, une situation qui, selon lui, fait fi des différentes données qui montrent clairement que certains adolescents sont sexuellement actifs. Christophe fait savoir que cette situation cache bien des maux. Les jeunes se retrouvent avec des grossesses non désirées, préfèrent prendre des breuvages supposés mettre fin à une grossesse ou optent pour un avortement clandestin avec les conséquences qui vont avec.
Différentes interventions ont eu lieu durant la discussion. Des questions comme pourquoi la jeune fille ne bénéficie pas de congé de maternité à l’instar de ceux écrit dans le code du travail (90 jours). Une intervenante, Pamella Kazekare a demandé pourquoi au vu et au su des dangers qui guettent une mineure enceinte, l’avortement sécurisé n’est pas une option. Ce à quoi la sage-femme a répondu qu’au Burundi, l’avortement n’est pas légal et que c’est seulement au gynécologue de déterminer le niveau de risque que présente la grossesse pour déterminer la démarche à suivre.
Comme conclusion :
- Christophe Nindorera a demandé aux pouvoirs publics de prendre la question de grossesses précoces et en milieu scolaire avec fermeté. Pour lui, il n’est plus question de se voiler la face mais de proposer des solutions réalistes comme l’introduction d’un module d’Education Sexuelle Complète et l’offre des services adaptés aux adolescents et jeunes.
- Alida Irambona a rappelé que les OSC continuent leur plaidoyer pour que la période de renvoi de la jeune fille soit réduite.
- Augustin Harushimana a plaidé pour le recrutement des Sages-Femmes dans tous les Formations Sanitaires qui selon lui sont les prestataires mieux places pour prodiguer des informations en Santé Sexuelle et Reproductive dans la communauté.