Tabou autour de la sexualité au Burundi : un live talk sur un phénomène

Omniprésente dans les discussions, analysée à longueur d’articles, la sexualité reste pourtant un sujet tabou au Burundi. A en croire, les intervenants dans le panel organisé par Share-Net Burundi sur Instagram, en marge de la Journée internationale de la santé sexuelle, la communication peut être clé pour une sexualité responsable et épanouie.

 

 

Le live a lieu au lendemain de la Journée Internationale de la santé sexualité célébrée chaque 04 septembre, avec au cœur des échanges le thème, « Pour une sexualité saine et épanouie ». Dans ce live d’une heure, il s’agit d’échanger, de contrer, de torpiller le tabou, ces contraintes sociales et culturelles qui entourent la sexualité et proposer des pistes de solutions pour une sexualité responsable. Le “talk ” suivi par plus de 200 personnes se fera entre 2 médecins ; Brian Bandenzamaso, Claire Umuhoza, et 2 blogueurs du collectif Yaga Audry Carmel Igiraneza et Carole Bigirimana.

D’entrée de jeu, Martine Nzeyimana, modératrice du talk, plante le décor avec quelques chiffres : selon l’OMS, 4900 jeunes femmes de 15-24 sont infectées par le VIH, dont 60% qui vivent dans des pays en voie de développement comme le Burundi. Selon le Rapport final de la Revue du Plan National de lutte contre le Sida, présenté le 15 Mars 2022, le Burundi a fait des progrès énormes dans l’atteinte des objectifs 90-90-90, c’est-à-dire que 89% des Personnes Vivant avec le VIH ont connu leur statut en fin 2020, 98% avaient été mis sous traitement ARV et 90% avaient supprimé la charge virale. Malgré ces avancées notables, le chemin est encore long.

 

Oser parler, oser briser la glace

« Comment parler de la sexualité quand même dans nos familles, c’est un sujet qu’on n’évoque pas et qu’on évite. Le tabou est si tenace que très peu osent en parler. À mon avis, on ne gagne rien à taire ce dialogue. Il faut arrêter de se voiler la face, la sexualité fait partie intégrante de la vie de tous. On ne pourra jamais la cacher ou la faire disparaître, alors autant l’embrasser », analyse Dr Bandenzamaso.

Saisissant la balle au bond, Dr Umuhoza indique que préserver une sexualité épanouie participe au bien-être physique et social de l’individu. « En prenant conscience qu’elle est un être sexué du point de vue mental et physique, chaque personne doit intimement s’écouter et mettre sa vie en accord avec ses dispositions sexuelles intérieures pour s’épanouir et adopter des comportements sains pour se protéger et protéger les autres », commente-t-elle.

Pour elle, dès lors que le tabou persiste dans la société, la sexualité devient plus compliquée et c’est les jeunes qui, à force de vacillements et d’incertitudes sombrent dans de pratiques plutôt dangereuses qui les laissent aux étagères de la vie.

Audry Carmel Igiraneza abonde dans le même sens. Pour ce blogueur qui n’eut jamais la chance de parler de sexualité avec ses parents, si ce ne sont que les bribes qu’il a pu trouver dans les manuels de son père qui est médecin, les jeunes ont souvent de fausses informations sur la sexualité provenant des amis mal informés, des films, des sites X, etc. « Bien qu’elle soit plutôt différente de celle des adultes, la vie sexuelle des jeunes n’est pas sans importance – bien au contraire ! L’exploration et la découverte de la sexualité, sous toutes ses facettes, sont essentielles au façonnement identitaire des enfants et des adolescents. Dès lors, Il doit y avoir des adultes pour fournir les réponses aux questions que se posent les jeunes », défend-il.

 

Quand le SIDA cristallise toute l’attention

L’autre défi, en matière de santé sexuelle et reproductive est le manque d’attention sur d’autres maladies ou infections sexuellement transmissibles, signale Dr Bandenzamaso, l’attention restant portée sur le VIH SIDA: « On a grandi en entendant et en voyant que des messages qui nous invitent à nous protéger contre le SIDA mais il ya d’autres maladies, saviez-vous par exemple que le cancer du col de l’utérus a un taux d’incidence élévé chez les  femmes dans la trentaine, nous voyons aussi de patients venir se faire soigner des suites d’un  rapport sexuel anal  et oral  non protégé et ça personne n’en parle parce que, voyez-vous, s’il y a tabou, cela l’est encore plus», fait-il observer.

La terreur qu’il faut éviter

Carole, étudiante en médecine, blogueuse et activiste dénonce un discours teinté d’intimidations des parents quand ils abordent la sexualité. Pour elle, ils ne font que mettre en garde leur progéniture de ne pas se livrer à la “débauche”

: « Ils te diront seulement de t’abstenir, que le sexe c’est mauvais sans te donner d’autres informations. C’est de ce manque d’informations que naissent les mythes. Je pense qu’il est capital que les parents s’impliquent davantage dans l’éducation sexuelle des leurs enfants car leurs informations permettraient aux jeunes d’avoi confiance en eux et de lutter contre la pression des pairs. »

Et Dr Umuhoza d’inviter les parents et les adultes à comprendre que les jeunes ont des envies et que c’est tout naturel. De ce fait, les parents ne devraient pas s’approprier le corps des enfants : « Nos enfants sont des êtres à part, essayons plutôt d’être ouvert et parlons avec eux de la  sexualité», une démarche qui selon elle, aurait comme résultat : la responsabilité. « C’est-à-dire que une fois sortie, l’enfant aurait la confiance de parler de sexualité parce qu’il aurait les vraies informations, il ne se ferait pas facilement influencer. »

Le jeune Igiraneza rappelle que la plus grande responsabilité appartient au gouvernement en améliorant l’accès aux informations et à des services de santé sexuelle et reproductive (SSR) favorables aux jeunes. Il est soutenu par Dr Bandenzamaso qui invite à plus de synergie des acteurs de la santé et ceux du monde médiatique pour une sensibilisation massive et efficace avec un message adapté.

 

L’Écosse, le premier pays à faire de l’accès aux serviettes de dignité gratuites un droit légal

Pour lutter contre la “pauvreté menstruelle”, l’Écosse est devenue la première nation au monde à garantir le droit à des serviettes de dignité(sanipads) gratuits par voie législative. Suite à l’adoption de la loi sur les produits de dignité de 2021, les gouvernements locaux et les établissements d’enseignement en Écosse sont désormais tenus par la loi d’offrir des serviettes de dignité gratuites à toute personne dans le besoin.

Le gouvernement écossais a déclaré que la nouvelle loi cimentera ces progrès après avoir dépensé plus de 27 millions de livres (plus de 70Milliars de Fbu) pour financer l’accès aux serviettes de dignité dans divers contextes publics.  Monica Lennon, membre du Parti travailliste au Parlement écossais qui a défendu la législation, a exprimé sa fierté d’avoir contribué à l’établissement de la nouvelle loi.

Une application mobile a été lancée pour permettre aux utilisateurs d’identifier les endroits en Écosse où des serviettes de dignité sont disponibles gratuitement. L’application PickupMyPeriod renvoie actuellement à plus de 700 lieux dans de nombreuses communautés où des serviettes de dignité sont disponibles – et ce nombre devrait augmenter lorsque d’autres autorités locales rejoindront l’application.  L’Écosse est devenue la première nation à offrir des produits hygiéniques gratuits dans les universités, les institutions et les écoles en 2018.

Cette loi va accélérer l’atteinte de l’agenda 2030 et surtout l’égalité homme-femme et une opportunité de relancer les débats sur la précarité menstruelle surtout dans les pays en développement y compris le Burundi où une jeune fille peut s’absenter plus de 5 jours à l’école à cause des règles.

Cher lecteur, pensez-vous que cela peut aussi être faisable au Burundi?

source: Gouvernement Ecossais

ETUDE DE BASE SUR LES CONNAISSANCES, ATTITUDES ET PRATIQUES DES JEUNES ET ADOLESCENTS HANDICAPES EN MATIERE DE SANTE ET DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS

En 2021, Share-Net International a commandité une étude de base sur les connaissances, attitudes et pratiques des jeunes et adolescents handicapes en matière de sdsr. Cette étude a été réalisé par CRIDIS, un centre de recherche de l’université du Burundi.

Il a été constaté que les personnes vivant avec handicap dépendent souvent de leur environnement de vie pour avoir accès à des informations en SDSR.  Cette étude a vu la participation de 18 jeunes et adolescents dont six aveugles, six avec handicap moteur, deux infirmes moteurs cérébraux, un albinos et trois sourds-muets hébergés dans différents centres ruraux et urbains.Les résultats obtenus illustrent que les jeunes vivant avec handicap ont des connaissances limitées en matière de sdsr, ce qui influence l’adoption des attitudes et des pratiques sexuelles a risque.  Trouvez l’intégralité de l’étude ici.

 

1 2 3 4 5 19